Analyse linéaire: Phèdre, acte 1, scène 1

 

Analyse linéaire Phèdre, acte 1, scène 1

               Le présent extrait est tiré de l’œuvre « Phèdre » 
de Jean Racine publiée en 1677 . Dans cet extrait, il
s’agit d’une présentation des personnages de la pièce à travers un dialogue
entretenu entre Hippolyte et Théramène tout en amorçant la dimension tragique
qui règne dans la pièce . Comment à travers un dialogue à élan tragique,
Racine formerait-il une exposition révélatrice ?

Selon cette perspective nous verrons les aspects de la scène
d’exposition tout au long de ce dialogue. Aussi allons-nous aborder la
dimension du tragique au niveau de cette scène.

               
 Le dialogue commence par la réplique d’Hippolyte qui, déterminé,
annonce à Théramène le projet qu’il envisage « Le dessein en est pris
»
 
(V1). En utilisant le présent d’actualité, Hippolyte met l’accent sur la
décision qu’il a prise et l’explicite en utilisant le pronom personnel «
je »
 dominant tout au long de son discours : « Je pars ». Ainsi sa
résolution est-elle formulée en s’adressant à son Théramène en tant que
confident « Cher Théramène ». C’est ainsi que le cadre de l’histoire se
dresse : Le rapport entre les personnages y est présent. Ensuite, l’indice
temporel est précisé :« Trézène » s’avère être le lieu en question. La
décision annoncée au niveau du premier vers est justifiée au niveau
du vers 3 où « Le doute » se présente en tant que stimulus
qui pousse Hippolyte à passer à l’action. C’est ce doute même accentué par
l’adjectif « agité » qui met fin à son « oisiveté ». Cet effet
est illustré de manière plus claire avec l’expression de honte quant à
l’inactivité « Je commence à rougir ». En effet, l’action que Hippolyte
est sur le point d’entreprendre est provoquée par un événement digne d’être
mentionné au niveau de l’exposition : Il l’annonce de manière explicite
dans le vers 5 : Son éloignement de son père. L’adverbe de
temps « Depuis » introduit une mise en contexte en présentant le
cadre temporel « Depuis six mois ». Hippolyte, voulant alors chercher son
père, fait face à l’inconnu. L’anaphore de du verbe ignorer
dans les vers 6 et 7 met le point sur l’envie ardente qu’éprouve le
personnage de retrouver un être qui lui est « cher ». C’est ainsi que
l’amour d’Hippolyte à son père est exprimé : Il insiste sur cet amour en
utilisant l’adverbe “Si” juxtaposé à l’adjectif « chère » pour
insister sur cette dimension fusionnelle entre les deux personnages (Hippolyte
et son père)

               Théramène prend donc la parole en utilisant la forme
négative pour faire allusion au dessein d’Hippolyte mettant l’accent sur son
histoire antérieure en utilisant le passé composé « J’ai couru les
deux mers », « j’ai demandé » 
tout en faisant référence au
cadre spatial de l’histoire. Cela a eu lieu à Corinthe. L’énumération des faits
et événements passés est employée comme base de son constat formulé dans une
question : « Croyez-vous découvrir la trace de ses pas ? ».
Ce constat fut alors suivi d’une seconde interrogation servant à remettre en
question le projet envisagé. La répétition de l’expression « Qui
sait » 
corrobore la dimension mystérieuse des intentions derrière
l’absence du personnage (Le père d’Hippolyte). La référence au cadre
temporel est toujours présente et accentuée par « Lorsque » liée
à un champ lexical de l’amour « Amante abusée » et
« Nouvelles amours » pour corroborer l’aspect séducteur du père
d’Hippolyte. Quand Théramène essayait de discréditer Thésée, Hippolyte ne
manque pas de l’arrêter poliment « Cher Théramène, arrête » .
L’utilisation de l’impératif « Arrête », « Respecte » souligne
la position de force d’Hippolyte atténuée par l’expression d’affection « Cher ».
Ce vers sert d’introduction à un point relatif à la présentation des traits de
Thésée. Hippolyte tente de dresser un portrait plus mélioratif de son père
adoré. Pour ce, un contraste est mis en place entre le passé et un présent
espéré. Les termes « jeunes erreurs » et « désormais » le
témoignent clairement. La conjonction de coordination « et » relie
alors la présentation du personnage à son sort tragique et dont l’histoire est
exposée à instabilité « L’inconstance fatale ». C’est là où
Hippolyte justifie sa quête vers son père, il recours ainsi au futur simple
pour accentuer sa résolution liée principalement à son sens de devoir .« Enfin
en le cherchant je suivrai mon devoir, »
. Il présente également
l’intérêt « Et je fuirai ces lieux que je n’ose plus voir. » :
la négation exprimée par l’adverbe « plus » insinue la détermination
d’Hippolyte quant à son projet de recherche de son père : Il trace une limite
entre le lieu actuel évoqué par le pronom démonstratif « ces lieux »et celui
auquel il aspire (celui qu’il veut réellement voir).Face à cet aveu,
Théramène fut intrigué. Cela est clair à partir de la ponctuation forte « Hé ! …) .
Sa réplique est liée au temps. L’expression « Depuis quand » témoigne
de son effet. Les lieux actuels sont donc qualifiés par des adjectifs
mélioratifs : « Paisibles » et « chers » ainsi
que le verbe
 « préférer ». Et cela montre que ce lieu est
porteur de dimension agréable que seul le « Péril » ou le « chagrin » peuvent
le lui emparer.Comme réponse à cette réplique, Hippolyte qualifie cet « heureux
temps » 
d’éphémère en utilisant le présent de vérité générale en
évoquant la fin avec la forme négative  : il « n’est plus » : « Tout
a changé  de face »
. Le nœud est proche. La crise est sur le
point d’éclater. Il explique ce changement par l’intervention des dieux : « Depuis
que sur ces bords les dieux ont envoyé la fille de Minos et de Pasiphaé »
 L’expression « depuis
que »
 met en exergue cette transition fatale et tragique. Elle
corrobore l’incapacité du personnage face aux événements et à une force qui le
surpasse. C’est bel est bien une dimension tragique qui se met en place pour
faire des personnages des êtres condamnés à une fatalité qui les dépasse.

                     Phèdre se
présente alors en tant que sujet à part entière dans le vers 44 “Phèdre
ici vous chagrine, et blesse votre vue.”
. Théramène met Hippolyte au niveau de
ce vers en position de complément d’objet. Son chagrin est conditionné par un
autre être : Phèdre. Face à ce personnage, Hippolyte est mis en position de
faiblesse en étant objet qui subit au lieu d’agir face à une force incarnée
absente et hors du contrôle incarnée en la personnage éponyme . Les adjectifs
dont elle est qualifiée sont révélateurs dans ce sens : L’adjectif « Dangereuse » est
utilisé dans ce sens pour décrire ce personnage en tant que source de danger
qui redoute même sa vue « A peine elle vous vit ». En vue de
corroborer ce propos, Théramène fait référence à un événement passé en
utilisant « autrefois » pour mettre en exergue des actions
de Phèdre qui représente « La haine ». Le doute surgit dans ce
vers avec l’hypothèse de Théramène :  L répétition de ‘’ou’’ met
en valeur ces deux possibilités. Quel que soit l’état actuel de la haine
qu’éprouve Phèdre à l’égard d’Hippolyte, Théramène adoucit cette situation par
son interrogation « Quel péril vous peut faire courir, une femme
mourante et qui cherche à mourir ».
Ici, la répétition de l’expression de
la mort met l’accent sur la dimension tragique dont le personnage de Phèdre est
peint. Le champ lexical du mal est dominant : « un mal »,
« lasse » « dangereuse », « haine »
 … C’est
ainsi que Phèdre représente à son tour un véritable personnage tragique. Cette
présentation de Phèdre atteint son paroxysme. Théramène clôt sa réplique en
mettant en question le pouvoir de Phèdre. « Peut-elle contre vous former
quelques desseins ? »
Il s’agit donc d’une question qui accentue bel et bien la
mise en cause du pouvoir alloué  au personnage éponyme: Phèdre. Ensuite,
vient la réplique d’Hippolyte pour mettre l’accent sur une double intimité en
atténuant l’inimité de Phèdre : Il la qualifie de « Vaine
inimité ».
 Il met en avant « une autre ennemie », la
jeune Aricie dont il était particulièrement épris. La passion est ainsi une
véritable fatalité. Il présente ainsi l’objet réel de la fuite est Aricie en
évoquant le sort fatal conjuré contre leur volonté. Il s’agit ainsi d’un amour
interdit.

                   Théramène essaie de remettre Hippolyte sur de bonnes railles
en usant des interrogations successives. L’interjection introduite par « Quoi ! » et
en intégrant dans son discours l’expression « Seigneur » pour
montrer le rapport entre les deux personnages : Hippolyte, mis à part le
fait qu’il soit son confident, il est également son gouverneur. En vue de
parler d’Aricie, il utilise une antithèse : Bien qu’elle soit « Aimable »,
elle fait partie à une famille « Cruelle » et à ses « frères
perfides 
: Référence à la famille Pallantides. A travers sa dernière
question, Théramène qualifie les propos de Aricie d’innocents tout en essayant
de le convaincre à renoncer à sa « haine » : « Et
devez vous haïr ses innocents appas »
 C’est ainsi qu’Hippolyte
annonce son aveu le formulant comme suit “Si je la haïssais, je ne la
fuirais pas.” 
Il s’agit d’un aveu amoureux, d’une expression de la passion
qu’il éprouve à l’égard de sa bien aimée. L’expression de la condition
introduite par “Si” donne lieu à un paradoxe qui s’annonce dès cette
scène d’exposition : Il aime Aricie, mais pourtant il l’a quittée, ou tout au
moins c’est parce qu’il l’aime qu’il a dû la quitter. La litote employée
dans ce vers vise essentiellement à souligner le sort tragique auquel
le personnage est confronté. Entre amour est devoir, il se trouve tiraillé sans
repères et dans une quête continue d’un père perdu mais également d’un
amour  qu’il a été obligé de sacrifier.

                    Au demeurant, cette scène
remplit les fonctions de la scène d’exposition en exposant les personnages, le
cadre patio-temporel tout en donnant lieu à un élan tragique et une fatalité
qui se présente en une entrée in-mediaş-res. Quel en serait donc l’effet
au niveau de la tirade de Phèdre ? Et en quoi consisterait la dimension
tragique au niveau des prochaines scènes et tout au long de la pièce ?

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